L'incipit des Confessions est un préambule qui permet à Rousseau, de façon assez orgueilleuse, de présenter son projet autobiographique. Il annonce ses intentions et revendique la singularité de son moi.
On pourra analyser successivement:

I. Une affirmation orgueilleuse de soi
II. La singularité du Moi et la singularité de l'oeuvre
III. Le projet autobiographique: intentions et difficultés .

I. Une affirmation orgueilleuse de soi > la place centrale du moi


1. la situation de communication.

je

Plus de 40 occurrences des marques de la première personne (pronoms et adj. possessifs)

Le narrateur parle en son nom (narrateur=auteur=personnage) Souvent en position de sujet des phrases/p>

c'est ce dont on ne peut juger qu'après m'avoir lu

le pronom indéfini on , renvoie au lecteur

Le destinataire au début du texte est le lecteur

le souverain juge, maître éternel

périphrases

Dans la deuxième partie du texte, le destinataire est Dieu

à partir de «Voilà ce que j'ai fait »

le pronom et l'adj. poss. de la deuxième personne

Rousseau s'adresse directement à lui au style direct

Les autres hommes sont simplement évoqués par comparaison à lui. Ils ne deviennent pas locuteur s, sauf à la fin, mais c'est dans une situation hypothétique présentée comme invraisemblable: «qu'un seul te dise, s'il l'ose.» Donc insistance sur la première personne. Texte centré sur l'auteur.

2. l'apologie de soi-même. le "beau rôle". L'orgueil

Rassemble , qu'ils écoutent , qu'ils rougissent , que chacun d'eux découvre

Présence des impératifs et des subjonctifs à valeur d'ordre

texte de type injonctif

Rousseau se donne la place centrale. Il se présente, surtout dans le 3ème paragraphe, en position de commandement : Il donne des ordres, d'un ton assuré, y compris à Dieu

rythmes ternaires

Un ton assez solennel

ornement indifférent , défaut de mémoire

Expressions qui renvoient aux éventuelles inexactitudes en les minimisant

cherche à minimiser quelque peu ses fautes (les inexactitudes qui pourraient apparaître dans l'oeuvre sont d'avance présentées comme secondaires ou excusables)

tel que je fus ; méprisable et vil quand je l'ai été,

Fausse totalité

Adjs mélioratifs>adjs péjoratifs +position en dernier

Il prétend dire le bien comme le mal mais le bien est mis en relief et le mal relativement minimisé

bon, généreux, sublime, quand je l'ai été

gradation

met bien en relief l'aspect positif

sublime

hyperbole

Cet orgueil est lié aussi à la volonté de se singulariser

autour de moi

Ccl – position stratégique usurpée à Dieu lui-même

A la fin du préambule, Rousseau se met en scène dans le jugement dernier. Il occupe la place centrale

II. La singularité du Moi et la singularité de l'oeuvre

1. la singularité du moi. Individualité.

Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus ; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent.

Parllélisme insistant + le raisonnement par induction

Rousseau souhaite marquer sa différence, sa distance avec les autres hommes

Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m'a jeté, c'est ce dont on ne peut juger qu'après m'avoir lu

La métaphore du moule brisé

allusion à la mort de sa mère ? Toujours est-il que la personnification de la nature souligne elle aussi cette unicité du moi.

qu'un seul te dise, s'il l'ose: «je fus meilleur que cet homme-là

paradoxe

Il demande la comparaison après avoir revendiqué sa différence !

On peut voir dans cette volonté de proclamer la singularité de l'individu un certain aspect romantique : l'affirmation du moi; une auteur qui se sent isolé de ses semblables, et qui se sent aussi messager. Son entreprise est anti- classique : Au XVIIe siècle, les grands écrivains pensaient, comme Blaise Pascal (1623-1662) que «le moi est haïssable», (Pensées, 455) Rousseau est donc un précurseur qui s'engage dans une voie nouvelle: la narration des aventures personnelles, l'analyse des états d'âme individuels qui continueront durant toute la période romantique.

2. le caractère unique, incomparable de la démarche
Rousseau présente son ouvrage comme unique. Sans précédent et sans postérité: affirmations catégoriques... et discutables.

une entreprise qui n'eut jamais d'exemple

Tournure exclusive vers le passé : totale nouveauté

saint Augustin, Montaigne (1533-1592) ont, avant Rousseau, utilisé le genre autobiographique

dont l'exécution n'aura point d'imitateur

Tournure exclusive vers le futur : œuvre unique en son genre

les autobiographies, carnets etc seront très nombreux au XIXe et XXe siècles, on ne comptera plus les journaux intimes, confessions

que chacun découvre à son tour son coeur au pied de ton trône avec la même sincérité

Subjonctive : tournure injonctive

l'auteur invite ses semblables à faire comme lui. Souhaite qu'il y ait une certaine "contagion de la sincérité"

S’oppose à « entreprise (...) dont l'exécution n'aura point d'imitateur »

Nouveau paradoxe de ce préambule

III. Le projet autobiographique: intentions et difficultés.

 1. Le projet: une oeuvre consacrée à parler de soi

entreprise ce livre après m'avoir lu qu'ils écoutent mes confessions

Références au projet d’écriture

Le projet est évoqué à plusieurs reprises, par plusieurs expressions

moi seul ce sera moi

redondances

Mise en relief par la phrase brève:, et par la répétition

Le MOI sera au centre de cette oeuvre

Le je est en même temps l'auteur et l'objet de l'étude

«Je veux montrer à mes semblables un homme (...) et cet homme, ce sera moi.», «je viendrai (...) me présenter». «Je me suis montré. j'ai dévoilé mon intérieur»

Dans plusieurs phrases, je est en position de sujet et de COD

Il y aura une adéquation parfaite entre le livre et la vie

Voilà  ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus

le présentatif: «Voilà » + faire/penser/être

En présentant le livre, Rousseau présente sa vie. Un ton assez solennel dans le parallélisme de construction et le rythme ternaire semble résumer toute sa vie

2. la recherche de la vérité. La transparence.

intus et in cute

épigraphe  : intérieurement et sous la peau

Obsession de la vérité

«montrer» «Je me suis montré tel que je fus» «j'ai dévoilé mon intérieur» «tel que tu l'as vu toi-même» «Que chacun d'eux découvre à son tour son coeur au pied de ton trône avec la même sincérité»

le réseau lexical du dévoilement, du regard

«J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n'ai rien tu de mauvais, je n'ai rien ajouté de bon ; et même s'il m'est arrivé d'employer quelque ornement indifférent, ce n'a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire. J'ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l'être, jamais ce que je savais être faux. Je me suis montré tel que je fus ; méprisable et vil quand je l'ai été, bon, généreux, sublime, quand je l'ai été»

contrastes, antithèses

L'obsession de la transparence s'exprime aussi par la volonté de tout dire:: (les deux facettes du personnage seront révélées)

quand je l'ai été... quand je l'ai été...

répétition qui permet d'insister épiphore

Seule référence « ce qui a été » (vérité)

«dans toute la vérité de la nature», «franchise», «rien tu», «rien ajouté» (antithèse), «je me suis montré tel que je fus», «j'ai dévoilé mon intérieur...», «avec la même sincérité»

Expressions qui revendiquent une totale sincérité

Insistance sur la sincérité

3. Les difficultés et les limites.

«J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n'ai rien tu de mauvais, (...) méprisable et vil»

Réseau lexical du mal

L'auteur a conscience de la difficulté de son entreprise: il lui faudra avouer ses fautes

utiliser «quelque ornement», «remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire», «J'ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l'être

Les limites

font peser des doutes sur la sincérité

CONCLUSION :

Texte qui annonce le projet autobiographique. Il révèle certains aspects de la personnalité de son auteur. Un document capital sur l'orgueil et la recherche de la sincérité de Rousseau.

La présentation d'une démarche dont on a pu souligner les caractéristiques. (recherche de la sincérité, dévoilement...) mais aussi les paradoxes. Suscitera des réactions diverses chez le lecteur.