La Chanson du Mal-aimé, Alcools, Apollinaire
Introduction Poésie lyrique: dire l'indicible - élégie, plainte Alcools - 1913 - Ce recueil, qu'Apollinaire mit 15 ans à élaborer, annonce la quête de modernité, de jeu avec la tradition, de renouvellement formel de la poésie de l'auteur. La Chanson du Mal-aimé: titre qui place le poème sous le signe du lyrisme (chanson) et de l'élégiae (mal-aimé/bien-aimée). Après séparation Annie Playden: amour ingrat. Comment le souvenir amoureux donne-t-il au poète à penser l'amour autrement? |
I. Un cadre propice à la désolation
a) ancré dans la réalité
entre les maisons |
Vocabulaire de la ville |
Cadre urbain concret et point de départ autobiographique (Londres où Ap. a poursuivi Annie pour l ‘épouser) |
Un soir de demi-brume à Londres |
Indications spatio-temporelles Double référence insistante à une atmosphère lugubre |
Lieu réel et autobiographique Echo climat/état d’âme |
Un soir de demi-brume à Londres |
Indication précise qui peut néanmoins connoter l’état trouble des sentiments du poète |
Harmonie cruelle ambiance/état d’âme |
Brouillard, brume, soir d'une taverne, Londres, |
connote climat lugubre |
L’évocation imagée se précise :
Londres offre des images qui sont transfigurées par l’émotion du poète
abandonné |
b) le poète y projette ses sentiments
Au coin d'une rue brûlant |
Personnification de la ville |
Projection des sentiments ds le cadre urbain et vision cauchemardesque (subjectivité du point de vue) |
dernière strophe |
Vocabulaire mélioratif : printemps, joie, amour + passé composé : révolu |
Contraste strophe 1 : deux cadres diamètralement opposés = deux situations antithétiques = deux moments de l’histoire d ‘amour Ce contraste accentue le poids de Londres sur la tristesse du poète |
II. Une évocation nostalgique
a) un amour perdu
Que tombent ces vagues de briques |
Injonction puissante + condition exprimée au passé antérieur |
Mélange d’amertume et de nostalgie pour dire l’ingratitude d’Annie |
Lorsqu'il fut de retour enfin ces rois heureux |
Deux rois illustres + adjectif mélioratif |
Contraste avec son propre amour malheureux = augmente sa peine Une certaine idée de l’amour perdue |
Heurtant leurs ombres infidèles |
métaphore |
Amours à la fois semblables et différentes : choc entre modèle idéalisé (les rois) et expérience perso. |
Pour son baiser les rois du
monde |
Conditionnel (hypothèse) |
Renforce la puissance dévastatrice de cette femme/amour |
b)le registre nostalgique
J'ai hiverné dans mon passé |
Métaphore nostalgique |
Le passé heureux est à la fois secourable et amer |
Revienne le soleil
de Pâques |
subjonctif |
Injonction : faire revivre le paradis perdu |
Mon beau navire ô ma mémoire |
Métaphore filée navire/mémoire Belle aube/ temps heureux (Rhin) Triste soir/ présent (Londres) + proximité antithétique aube/soir |
Résumé poignant du regard rétrospectif sur une histoire d’amour terminé. Registre élégiaque : lamentation de l’amant délaissé |
III. Une vision désenchantée de l’amour
a) l'échec
Un voyou qui ressemblait à |
Comparaison complexe |
Place d’emblée le sentiment amoureux ss le signe de la duperie (échec certain de son amour pour Annie partie aux USA) |
Un voyou, mauvais garçon |
Cl de la petite délinquance |
|
sifflotait les mains dans les poches |
La métaphore est filée |
Amour bohème (on pense à Rimbaud) : légèreté et inconstance de l’amour |
Une femme lui ressemblant …. |
Seconde image de « l’amour » |
Allégorie de la fausseté de l’amour |
b) le poète désabusé
Et le regard qu'il me jeta |
Sentiment négatif connote une blessure d’amour-propre |
Le poète semble regretter d’avoir été la dupe de cet amour |
Une femme….saoule… d’une taverne |
Vision qui connote la prostitution et la débauche |
une image désabusée de la femme et de l’amour |
Lui les Hébreux moi Pharaon |
Nouvelle métaphore voyou/hébreux
Apollinaire/Pharaon |
A. est englouti, submergé par sa souffrance de plus Annie a traversé l’Atlantique… |
Plaies, sanguinolent, cicatrice |
Hyper-réalisme |
Suscite un malaise physique : aversion, dégoût |
La fausseté de l'amour même |
Allégorie : Femme saoule=amour même |
cette femme lui fait donc voir la « fausseté de l’amour » puisque « son amour n’est qu’une fille des rues ». |
Conclusion
Comme en témoigne la dédicace à Paul Léautaud, ce poème correspond à un moment bien particulier de la vie d’Apollinaire immédiatement suivant le départ d’Annie Playden pour les Etats-Unis. Le poète se retrouve seul dans une ville hostile et triste dans laquelle tout semble lui rappeler sa déconvenue. L’errance parmi les rues le conduit bientôt à une projection de ses pensées et de ses émotions dans tout ce qui l’entoure. Les figures mythiques et historiques alternent avec ses propres souvenirs pour finalement produire un chant nostalgique et élégiaque : entre souvenir heureux et solitude désespérée, l’histoire d’amour apparaît comme funeste à toute possibilité future d’aimer. L’excès parfois lyrique se justifie par le moment de la rupture là encore.
Ce poème se distingue par sa sincérité autobiographique des autres poèmes d’Ap. Tout se passe ici comme la poésie ne pouvait plus transfigurer le sentiment amoureux pour le sublimer mais plutôt devenait la forme nécessaire du recueil des émotions vraies rendues dicibles par l’image et la musicalité.