Texte extrait des Fleurs du
Mal
Il me semble parfois que mon sang coule à flots,
Ainsi qu'une fontaine aux rythmiques sanglots.
Je l'entends bien qui coule avec un long murmure,
Mais je me tâte en vain pour trouver la blessure.
À travers la cité, comme dans un champ clos,
Il s'en va, transformant les pavés en îlots,
Désaltérant la soif de chaque créature,
Et partout colorant en rouge la nature.
J'ai demandé souvent à des vins captieux
D'endormir pour un jour la terreur qui me mine ;
Le vin rend œil plus clair et l'oreille plus fine !
J'ai cherché dans l'amour un sommeil oublieux ;
Mais l'amour n'est pour moi qu'un matelas d'aiguilles
Fait pour donner à boire à ces cruelles filles !
I. Une allégorie du lyrisme poétique (2 quatrains)
Cette hémorragie est la traduction physique de la tendance du sujet lyrique à se répandre au-dehors :
Mon sang coule à flots |
hyperbole |
Métaphore du lyrisme et mise en pratique par l’hyperbole |
me / mon / Je /je me |
1ère personne ds 1er quatrain Absente 2° quatrain |
Marque du lyrisme Dans le 2° quatrain ce lyrisme dépasse le poète et « inonde » le monde |
À travers la cité |
Ccl du 2° quatrain |
Elargit la vision : le lyrisme du poète transfigure le monde |
À travers la cité, comme dans un champ clos, |
Double mouvement : élargissement/limitation |
Reste une vision de l’imaginaire |
Il
me semble parfois que mon sang coule à flots, Je l'entends bien qui coule avec un long murmure, |
Epithète plutôt méliorative qui connote la musicalité du poème + sanglot |
Métaphore filée du lyrisme et de la création poétique : sil fait entendre des "sanglots", ces derniers sont "rythmiques" et se résorbent en "un long murmure" analogue à celui du poème lui-même. |
Long murmure = connote le poème et la poésie |
||
mon sang coule à flots |
Dualité de cette expression : sang qui coule= mort mais mon sang coule à flots = vie débordante |
Complexité du spleen baudelairien= souffrance délétère et créatrice (Les Fleurs du Mal) |
Je l'entends bien qui coule avec un long
murmure, |
Allégorie du spleen |
Cet état de souffrance dont on ne sait jamais l’origine exacte (mélancolie du poète) |
Il
s'en va, transformant les pavés en îlots, |
3/3/3/3 Premier tétramètre du poème |
Solennité contemplative : le poète spectateur de son imaginaire presque malgré lui |
transformant les pavés en îlots |
Mise en apposition + verbe qui connote la création poétique + pavés/îlots qui connotent respectivement réel et imaginaire + îlots qui fait référence à l’exotisme baudelairien |
Cette apposition résume la démarche transfiguratrice du poète : 1. spleen 2. lyrisme 3. un autre monde |
Désaltérant
la soif de chaque créature, |
Deux vers ambigus : voc. mélioratif(désaltérant la soif) Et termes inquiétants : créature (sens exact ?) rouge (vision rouge ?) |
Ces deux derniers vers des quatrains signale la réussite mitigée du poète : son lyrisme, sa créativité changent le monde mais la peur demeure… |
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II. le spleen et la terreur de la création poétique (2 tercets)
Les tercets font état de cette "terreur" qu’inspire au poète cet épanchement involontaire, que les quatrains évoquent
J'ai demandé… vins J'ai cherché… amour |
Anaphore des débuts de tercets + deux verbes qui dénotent les tentatives du poète de conjurer sa peur+ deux « divertissements » de choix |
Le poète semble terrifié |
D'endormir sommeil oublieux |
CLx du sommeil et de l’oubli |
Le poète aspire à un peu de répit |
Ds les deux tercets |
Les sonorités sont d’abord douces (tentative d’apaisement) puis deviennent dures et aiguës (échec) |
Chaque tercet raconte l’impossible échappatoire |
J'ai demandé souvent à des vins captieux |
Allégorie du divertissement : Les vins ne sont pas tant capiteux que captieux (jeu visuel et sonore) |
Echec et mensonge des paradis artificiels pour tromper l’angoisse du poète |
D'endormir pour un jour la terreur qui me mine ; |
3/3/3/3 Lutte entre allitération en [m] (apaisement) et le double [r] où encore la voyelle aiguë [i] (fébrilité) |
Le poète exprime avec des accents de sincérité sa permanente angoisse et l’échec de ses tentatives pour la juguler |
Le vin rend œil plus clair et l'oreille plus fine ! |
Synesthésie : goût/vue/ouïe + exclamation |
Révélation née de l’expérience : l’ivresse aiguise le lyrisme et ne le rend pas plus supportable |
Le vin rend œil plus clair et l'oreille
plus fine ! |
PVG |
Verdict sans appel : échec du divertissement… |
Mais l'amour n'est pour moi qu'un matelas d'aiguilles |
L’opposition implicite du 1er tercet devient explicite |
échec |
Mais l'amour n'est pour moi qu'un matelas d'aiguilles |
Métaphore très concrète : le matelas connote les plaisirs de la chair mais le CDN rappelle que l’amour n’est jamais tranquille |
Autre vision négative |
Mais l'amour n'est pour moi qu'un
matelas d'aiguilles |
On retrouve l’exclamation + Reprise de « Désaltérant la soif de
chaque créature, » |
Un lien peut-être entre la femme muse, inspiratrice et bénéficiaire du poème mais l’adjectif (cruelles) dit l’ingratitude comme récompense |
Une fois l'engourdissement passé, que peut apporter le vin ou l'amour, la douleur est toujours là, présente.