Le Dormeur du val, Rimbaud

Le texte:

Poésies, Cahier de Douai, Le Dormeur du val

C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent; où le soleil, de la montagne fière,
Luit: c'est un petit val qui mousse de rayons.


Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.


Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme:
Nature, berce-le chaudement: il a froid.


Les parfums ne font pas frissonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.


Octobre 1870.


Introduction :
Contexte: guerre 1870
Découverte progressive cadre-dormeur-cadavre
Dénonciation guerre et mort
Ironie du sort tragique: mort, apparence de vie
Pathétique: jeune homme / mort
Etude linéaire: on suivra la découverte progressive du dormeur du val.

 

 

Premier quatrain
le val

trou, val évolution/précision caractérisation progressive du lieu
1ère phrase 12+12+2
longue phrase descriptive
mise en place d'un décor et d'un climat
verdure, rivière, herbes CL nature

le décor

où chante une rivière
Accrochant follement des haillons
D'argent;

images originales
Ca: chante, follement, argent

lumière, joie, fantaisie: le climat

trou espace délimité, clos, encaissé, retiré...etc.

sorte d'écrin de verdure
protecteur?

chante
Accrochant
h
aillons

personnification rivière

nature ensorcelée
monde enchanté

où le soleil...

coupe forte 2/10
2de sub. relative (écho vers 1)

relance description
précision
où le soleil, de la montagne fière,
Luit:

dissociation verbe/sujet
mise en valeur adj.
rejet verbe (fin de phrase/début de vers)

structure originale, naïve, puérile
dessin d'enfant

: c'est un petit val qui mousse de rayons. définition finale
deux points
structure présentative "c'est" (écho vers 1)
formule synthétique qui reprend les éléments précédents
impression de fermeture du quatrain (cf trou)
: c'est un petit val qui mousse de rayons. val: lien titre effet d'attente (le dormeur?)

: c'est un petit val qui mousse de rayons.

connote eau, lumière, mvt

reprise indications vers 1 à 3

Deuxième quatrain
le dormeur

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort

12+12+1

rejet verbe

présentation du dormeur comme quatrain 1

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort

sujet indéfini (un)


4 précisions descriptives:
un adj + 3 GN juxtaposés et coordonnés
groupe ternaire
verbe monosyllabique

parallélisme de construction 1er quatrain

précision progressive de la découverte du dormeur

 


"chute" naturelle:
le soleil....luit // le soldat... dort

impression sommeil heureux, confiant
symbiose dormeur/nature

il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

3 CCL : position, lieux

précisions

Pâle
vert/bleu
la lumière pleut

contaste des couleurs
intensité de la lumière (métaphore)

la pâleur peut sembler naturelle dans ce contexte

dans, sous

prépositions

renforcent l'intégration du dormeur

lit vert métahore homme/nature

il est étendu dans l'herbe

proposition simple

rien d'inquiétant

Premier tercet et deux premiers vers du deuxième tercet
le sommeil

il dort
il fait un somme

reprise des thèmes: sommeil (dormeur) et nature

CL nature

confirmation des 2 quatrains

 

Les pieds dans les glaïeuls
Nature
Les parfums
le soleil

Souriant comme
Sourirait un enfant malade
il a froid.

deux éléments nouveaux: maladie et froid

premières vraies interrogations pour le lecteur
cependant: maladie ici comparant (atténue gravité) + conitionnel (danger écarté pour l'instant)

état affectif: souriant
état physiologique: froid

Les pieds dans les glaïeuls, il dort.

reprise structure descriptive quatrain 2:
apposition GN + verbe

confirme et prolonge paix quatrain 2
somme sommeil provisoire atténue gravité sommeil: il va se réveiller
Nature, berce-le chaudement: il a froid. nature allégorique, maternelle, protectrice + idée de froid note discordante: froid dans cette nature baignée de soleil?!
enfant, berce, somme termes familiers de l'enfance complicité dormeur/nature réaffirmée
Les parfums ne font pas frissonner sa narine; constat négatif insensibilité olfactive: due au seul sommeil?
Il dort dans le soleil relation d'inclusion reprend:
le solei luit
le soldat dort
la main sur sa poitrine
Tranquille.

dernière précision descriprive (position main)

double mise en valeur de l'adj. (rejet + accord avec poitrine)

vision paisible et rasurante, encore
Dernière phrase
la révélation
Il a deux trous rouges au côté droit.

simple constatation visuelle

mot mort absent

choc, révélation : invite à une relecture du poème
précision/détail macabre hyperréalisme tragique: enfant mort

reprise du mot "trou"

boucle bouclée mais quelle évolution!

Conclusion :
Rimbaud signe ici un poème fait d'attente jusqu'au "coup de théâtre" final. L'harmonie homme/nature, un jeune homme et une nature printanière, tout au long du poème dessine un tableau idyllique à peine dérangé par quelques images originales qu'une première lecture ne suffit pas à rendre alarmantes. La révélation finale n'en est que plus violente. Rimbaud semble vouloir dénoncer la mort et la guerre mais peut-être aussi refuse-t-il cette mort insupportable en conservant le plus longtemps possible une apparence de vie au cadavre du jeune soldat.