Introduction
Eluard, poète de la première moitié du XX ème a été un des piliers
du surréalisme qui s'intéresse à l'imaginaire, au rêve et à l'inconscient
dans les années 1920. Après une crise personnelle existentielle qui a entraîné
son voyage-fuite en 1924, Eluard publie son premier recueil en 1926, qui sera
le plus important: Capitale de la douleur. Ce recueil est dédié à sa
muse: Gala. Le poème "La courbe de tes yeux" est l'avant dernier
du recueil. Il est sous le signe de la joie d'aimer et du partage amoureux.
Nous allons étudier l'éloge de la femme fait à partir de la courbe de ses
yeux, puis le bonheur de ce couple heureux et enfin l'ouverture sur le monde.
Etude
I) L'éloge des yeux
a) Un blason (= poème qui fait l'éloge d'une femme par un détail physique)
:
courbe |
Double sens |
éloge insolite |
tour, courbe, rond |
champ lexical de la courbe |
Figure principale de la description + forme du blason |
feuilles, gouttes de rosées, les roseaux, les ailes, les oeufs, astres, bateau, berceau, danse |
Différentes connotations de la courbe |
|
Tes yeux 1, 4, 14 |
Répétition et sujet du poème |
Motif principal du blason |
b) Structure circulaire du poème:
Tout dans ce poème est ondoyant.
La courbe de tes yeux fait le
tour de mon cœur |
Echos vers 1 et 15 + chiasme |
Le vers 15 revient au vers 1 La boucle est bouclée |
vers 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13,15 |
assonnances en [ou] |
Sonorités harmonieuses et pleines (rondes) |
Eur eur ur u u É é èr èr eur Or astre ence ur ar |
Rimes originales : reprise incomplète des phonème |
Harmonie et mouvement |
c) les images du visage
Feuille et mousse de rosée |
CL végétal + vert |
Humidité du regard |
ciel et mer |
Connote bleu/gris |
Couleur et grandeur |
ailes |
Métaphore des paupières |
Légèreté diaphane (élogieux) |
Roseaux du vent |
Métaphore cils + battements |
Eloge encore |
Idéalisation de la femme et projection beauté nature.
II) Le couple
a) Réciprocité d’un amour partagé
Tes yeux/mon coeur |
Adj . possessifs Poète /femme |
Relation amoureuse bénéfique |
Et tout mon sang coule dans leur regard |
Structure précédente inversée |
Réciprocité des sentiments partagés |
sang |
Connote la vie |
Don de soi sans réserve |
La courbe
de tes yeux fait le tour
de mon cœur |
Echo jusque dans les sonorité |
Harmonie de la relation, enlacement |
Danse, parfumés, lumière, bruits, couleurs…etc |
Nombreuses références aux sensations |
Sensualité dans l’harmonie |
b) L'homme soumis
Dépend de (14) |
Verbe qui traduit cette soumission |
Position centrale de la femme aimée (point autour duquel tout gravite = courbes) |
Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu/ C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu |
Relation de causalité + CL vie |
Hommage : le poète existe à travers ce regard |
Passé composé = passé révolu |
Il y a avant et après cet amour |
c)la femme amante et femme- mère
berceau |
||
ailes |
||
vers 8 |
milieu du poème |
|
couvée d'aurore |
III) La femme ouvre au monde
On assiste ici nulle part à un repliement à 2, mais au contraire à une ouverture
généreuse. La femme est plus proche physiquement de la terre: elle donne sens
à tout.
a) Le poème est fondé sur une envolée de plus en plus large
2ème et 3ème strophe |
ne forment plus qu'une seule phrase |
Mvt d’élargissement |
tous le même nombre de syllabes contrairement à ceux de la première strophe |
Harmonie ++ |
|
la voix ne s'arrête presque plus (= enthousiasme) et il y a moins de rimes |
connote l'envolée |
b) Cette envolée va du tout petit au très grand
V.6 >> humble nature ("feuille",
"mousse", "rosée") |
Suite de références à la nature et au monde du plus petit au plus vaste |
Ouverture permise par le regard nouveau de Gala |
la lumière / l'innocence |
correspondance entre le physique
et le moral |
Gala lui donne le monde avec des yeux d'enfant |
aurores astres |
Le monde est sous le signe de la lumière du matin, soit de la naissance |
|
Conclusion
Ce poème chante les yeux d'une femme mais qui ne se limite pas
qu'au sens physique. Ici Eluard renoue avec le poème de courtoisie mais il
y a cependant une faille: l'homme dépend trop de la femme. Il reste malgré
tout une distance entre l'art et la biographie.