"Le Villageois et le Serpent"- Fables - La Fontaine

Livre VI - Fable 13

Introduction :

1668 marque l’histoire de la littérature française : Jean de La Fontaine publie le premier volume de ses Fables dédié au Dauphin alors âgé de six ans. Le succès est immédiat et bien au-delà du seul public des enfants. L’apologue, genre argumentatif original qui propose un court récit à visée morale, imité d’Esope et de Phèdre, touche en effet un public très large.

           La treizième fable du livre VI des Fables illustre cette redoutable efficacité de l’apologue qui, au travers de la rencontre improbable d’un manant et d’un serpent ici, nous invite à réfléchir aux rapports humains. [LECTURE]

           Deux thèmes dominent la fable : la charité et l’ingratitude. Les vers 1 à 12 illustrent le premier et les vers 13 à 24 le second. Nous étudierons successivement ces deux récits édifiants puis nous interrogerons la morale de la fable particulièrement au travers de l’étude du dernier quatrain.

I L’art du récit

Vers 1/7

Vers 8/18

Vers 19/24

Vers 25/28

 Situation initiale, élément

 perturbateur

 Péripéties

 Dénouement

 Morale

On retrouve un plan narratif classique et très complet.

a)

Vers 1/4

Vers consacrés au manant.

Présentations successives des deux protagonistes en situation.

Vers 5/7

Vers consacrés au serpent.

Vers 2 :Charitable autant que peu sage

Terme mélioratif associé à un terme péjoratif

Exprime une qualité : la charité, face à un défaut : l’imprudence.

Vers 3 :se promenant

Participe présent

Décrit le personnage et indique la durée (situation initiale).

Vers 3 :se promenant

Vers 5 :aperçut

Opposition : Participe présent (action qui dure) / passé simple (action courte et bornée)

Introduction de l’élément perturbateur par opposition de temps.

Vers 1/4

Sonorités nasales : sonorités douce, nombreux son en [an]

Situation initiale apaisée, habituelle, sans la moindre complication.

Vers 5/6

La sonorités changent : aiguë dérangeante qui s’opposent à la sonorité précédente douce.    

Appuie l’élément perturbateur qui traduit la découverte du serpent.

Vers 1/5

Vers 6

Rythme : 3/5, 3/5, 3/5, 4/4, 4/5

Et rythme accumulatif : 2/2/2

Changement de rythme, tension dramatique avec l’élément perturbateur .

Vers 6 :  Transi, gelé, perclus, immobile rendu, 

Enumération en gradation 

Connote l’extrême : la mort !

Le serpent parait atypique (vunérable);

Registre pathétique /compassion pour le serpent.

Vers 6 et 7 : Transi, gelé, perclus, immobile rendu,

N’ayant pas à vivre un quart d’heure. 

Connotation de l’agonie

Complément circonstanciel de temps.

Evocation de la mort et donc de l’urgence de la réaction.

Vers 8 : le villageois le prend, l’emporte en sa demeure, 

Présent de narration

Marque les péripéties + spontanéité de la réaction

Vers 8 à 12

Verbes accumulés

Champ lexical médical

Exprime les différentes actions positives de la part du manant.

Vers  : Ressuscite

Hyperbole

Montre la charité du manant.

Vers : Loyer 

Métaphore pour service rendu

Désintéressement du manant face au serpent, appuie la charité du manant.

Vers 13 à 14 : « à peine »

« avec »

Simultanéité du retour à la vie et de l’agression violente

Montre un être mauvais et fait ainsi du serpent un véritable méchant.

Vers 15 à 16 « Il lève un peu la tête et puis siffle aussitôt

Puis fait un long replis, puis tâche à faire un saut »

Anaphore de ‘‘puis’’

Connecteur logique

Rythme rapide

Fait se télescoper les actions.

Série d’actions vivaces, rapides.

Vers 15/17

Sonorités contrastées

Sonorités aiguë

Allitérations sonnantes

Energie et violence du serpent.

Exprime l’injustice.

Vers 13 à 14 : à peine 

 avec 

Simultanéité du retour à la vie et de l’agression violente

Accentue la méchanceté du serpent.

Vers 18 et 19 : « Ingrat , dit le manant, voilà donc mon salaire ?

Tu mourras. »

Discours direct : question oratoire qui a l’air exclamative

Cherche à accompagner le lecteur. La Fontaine cherche à faire s’exclamer les lecteurs !

Ingrat 

Mis en valeur en tête de vers, antéposé

Souligne l’attitude contraire à la morale et à la loi.

Vers 18 : Ingrat, dit le manant, voilà donc mon salaire ?

Echo avec « loyer »

Montre toutes les dettes que le serpent a vis à vis du manant !

Vers 19 : Tu mourras 

Futur de certitude

 Antéposé

Dénouement.

Montre la détermination du manant.

 Vers 20 : plein d’un juste courroux 

Utilisation de l’adjectif « juste » avant même de décrire le mouvement !

Préjuge de la légitimité du mouvement !

Vers 21/23

 vous 

« vous » éthique

Indique la préférence, prend à témoin le lecteur qui est automatiquement du coté du manant .

 Vers 21 : trois serpents 

 Vers 21 : deux coups 

 Vers 22 : un tronçon 

Jeu sur le nombre

Prête à sourire ! Dédramatisation de cette mort.

Vers 20 :Il vous tranche la bête

Expression dévalorisante pour le serpent

La Fontaine ne cherche pas à nous attendrir.

Vers 23/24 : L’insecte sautillant cherche à se réunir,

Mais il ne pût y parvenir.

Coloration absurde de la scène

Exprime une mort ‘‘rigolote’’.

II Renversement de situation

Vers 25/26 : Il est bon d’être charitable ;

Mais envers qui, c’est là le point

Présent de vérité générale (concession)

Mais (conj.de coord. +opposition)

Tournure interrogative

La Fontaine reconnaît la charité comme vertu mais souligne la nécessité du choix

Vers 25/28 : Il est bon d’être charitable ;

Mais envers qui, c’est là le point

Quant aux ingrats il n’en est point

Qui ne meurt enfin misérable.

Jeu de question-réponses

Comment reconnaître les ingrats ?

Les ingrats sont tous châtiés.

Vers 25 : Il est bon d’être charitable

Présent de vérité générale

Concession : on ne peut classer la charité hors du cadre de la vertu

Vers 26 :

Question oratoire

Connecteur logique

Invitation à la prudence

Vers 26 et vers 2

Echo entre les deux vers

Montre que la charité est bien tout en incitant à la prudence.

Vers 25/28 :

Même structure que la fable

Vers 5/13 : vers 25

Vers 14/16 : vers 26

Vers 17/24 : vers 27/28

Quant aux ingrats, il n'en est point
Qui ne meure enfin misérable.

PVG

Réalité : « proverbe »

Menace déguisée qui doit prévenir les ingrats de leurs méfaits

        Conclusion :

On retrouve donc dans cette fable l’expression de l’idéal classique qui semble tout naturellement porté par l’apologue : « instruire et plaire ».

La fable offre en effet un récit édifiant qui use de tous les ressorts de la dramatisation pour divertir le lecteur et le saisir par des rebondissements et des péripéties bien menés. Mais le divertissement trouve bientôt sa justification dans la morale, une morale qui instruit effectivement le lecteur en l’incitant à bien réfléchir avant d’agir.

Cette fable illustre donc l’efficacité de l’apologue : sa brièveté, permet de ne pas s’ennuyer, le  récrit est  divertissant. Le point de vue qu’il défend s’impose naturellement.